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Saltimbanques en guenilles, gonflés d’orgueil, parés de la démence de ceux qui n’ont rien à perdre et tout à conquérir.
La rage est là. Le mors aux dents. L’envie d’en découdre avec la vie. De terrains vagues en Cour des Princes, avec comme seul adage l’envie du partage.
Provocation amoureuse : nous riions de tout et de tous… Chevaux et dindons étaient de la farce, complices de cette énergie du désespoir qui habitait ces années de galère, pleines d’esclandres, de joie et de furie.
Alain Sauvan a su voir dans cet équipage déglingué la grandeur de ceux qui sont prêts à tout pour rêver éveillés.
Ces années sans gloire m’ont façonné et m’habitent encore aujourd’hui. Pour toujours.
BARTABAS
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Mon histoire photographique avec Zingaro s’inscrit entre une décapitation par un cavalier noir du Baron Aligre éructant le Skovatch, évitée de justesse un été 1979 en Avignon, et une bagarre de chiens père et fils qui réglaient un problème d’ordre hiérarchique sur un terrain vague à Paris près du métro Jaurès fin1985.
J’aurais pu aussi à cette période me faire incinérer lors des spectacles pyrotechniques de rues d’El Comediants ou estropier par les masses et autres tronçonneuses tournoyantes de la Fura dels Baus en Catalogne.
J’étais photographe de spectacles vivants, très vivants, à l’époque. Il est vrai aussi que j’aimais être au cœur des choses et au plus près du cœur des gens. Disparaitre et « faire des photos comme s’il n’y avait pas de photographe » comme me l’a dit plus tard un kapo des bandes de fêlés qui enflammaient le virage sud du stade vélodrome à Marseille au début des années 90.
Mais revenons à Zingaro. J’ai retrouvé le cavalier noir au tout début 1984 dans les arènes de Nîmes où j’étais venu faire un reportage sur l’école de Tauromachie mise en place par Simon Casas. Il était devenu Bartabas et de ses retrouvailles avec Igor le Magnifique et Branlotin la Désespérance chez Richard Estéban, le potier d’Aigues Vives, était né le Circo Zingaro.
D’un commun accord, dument signé verbalement, je devenais le photographe officiel et exclusif de la compagnie.
Passant du sable blanc des arènes aux sables noirs de l’AGEI, friche industrielle de la périphérie Nîmoise, je les accompagnais jusqu’au terrain vague de Jaurès, lieu de leur véritable envol.
Parmi mes images pas de photos de spectacles ou bien peu, à la fin, lors de la première à Paris, qui sera ma dernière photographiquement parlant.
Simplement des moments partagés avec cette tribu barbaro poétique qui préférait stariser les dindons que faire danser les ours.
Moments drôles quand il s’agit de faire entrer une mule dans une roulotte.
Dangereux quand il faut faire sauter une table remplie de convives pas toujours rassurés, une douzaine de fois, à un cheval qui prend chaque fois l’éclair de deux gros flashes de studio dans la tronche.
Inquiétants quand on voit un aigle regarder avec gourmandise la fontanelle d’un nourrisson a portée de bec.
De communion quand un Miko vient boire un coup pendu au toit de la roulotte.
Moments de vie quotidienne, et de travail, beaucoup.
Alain Sauvan/Novembre 2014